« Les tests sont positifs, » me dit-elle un beau jour. Un enfant ! Mon bonheur confinait au délire. « Ah, comme il sera beau, tendre fruit de l’amour, De voir tes premiers pas et de t’apprendre à lire ! Et puis tu grandiras, et puis nous vieillirons, Et quand le temps qui passe aura blanchi nos fronts … - Tout doux, trancha soudain ma belle au froid sourire : Sacrifier aux soins de la maternité Les jours de ma jeunesse avec ma liberté, Ce n’est pas, à cette heure, après quoi je soupire. » Et, sourde à ma prière, en proie au noir dessein De jeter au néant ce trésor de son sein, Sans un regard pour moi, sa deuxième victime, Elle claqua la porte et courut à son crime. Elle avait fait son choix ; qu’avais-je à dire ? Rien. Or c’était mon enfant tout autant que le sien.
Trente ans se sont passés. Il serait ma lumière. Par lui je serais père, et peut-être grand-père. Et, dans ma solitude, amer et désolé, Je pleure sans repos l’enfant qu’on m’a volé.