L’été splendide et vain raillait le pâle hiver : « Que j’ai pitié de vous, dont les froides haleines Glacent le haut des monts et dénudent les plaines, Blessant tout ce qui vit des morsures de l’air ! Partout où votre souffle passe, Un silence de mort s’empare de l’espace. Dans vos stériles jours avares de soleil, On voit longtemps languir la terre dépouillée ; Et les bois et les champs, à la face mouillée, Attendent le retour des grâces en sommeil. Tandis qu’aux jours de gloire où brille ma lumière, Les chants de mille oiseaux bercent l’immensité ; Et dans chaque repli des sillons de la terre, Règnent mon opulence et ma fécondité. Je donne au genre humain les moissons, les vendanges, Tandis que vous portez l’image du trépas. On ne connaît chez vous ni roses, ni mésanges. Que les ans seraient doux si vous n’existiez pas ! » L’hiver à la face livide Ne pipe mot, ne fronce ride : Il saura bien, à sa façon, Enrichir l’arrogant d’une bonne leçon. Lorsque revient son tour, la froidure ordinaire N’endort point le sein de la terre ; Même au cœur de janvier la vermine y prospère. Le ciel n’arrose point la face des guérets ; Les midis sont brûlants, les soirs à peine frais. La plante et l’animal, que trompe ce manège, Ne sont point assoupis sous le drap de la neige ; Et rien ne peut alors goûter ce grand repos, Père de tous les renouveaux. L’été revint, mais la terre trop sèche Ne produisit raisin, pomme, abricot ni pêche. Le peu qui vit le jour fit le festin du ver Épargné par l’hiver.
Sache honorer la main modeste Dévouée à d’ingrats travaux : Sans ses efforts, obscurs mais beaux, Tu ne saurais faire le reste.