Un autre dans votre âme est aujourd’hui vainqueur. Vous n’avez plus pour moi ni regard, ni sourire, Mais le mal qui me tue est vierge de rancœur, Et ne s’exalte point dans l’ardeur de maudire Ce rival orgueilleux qu’encense votre cœur.
J’ai connu comme lui cette joie ineffable, Ce bonheur absolu d’être unique à vos yeux, Et, mortel ébloui d’une grâce improbable, L’ivresse d’être assis à la table des dieux, Dont s’augmente à présent la douleur qui m’accable.
C’est vous qui m’imposez la plus dure des lois : Effaçant de vos jours les jours de nos folies, Et, dans l’oubli cruel de nos anciens émois, Parque du doux lien des trames de nos vies, Persiflant mon regret des plaisirs d’autrefois.
Se peut-il que pour rien dans votre âme oublieuse Comptent ces jours bénis, témoins de nos amours, Et ces nuits de tendresse à l’ombre radieuse, Chassés de votre cœur et bannis sans recours? Je fus heureux par toi, par moi tu fus heureuse,
Et rien de cet hier ne te parle aujourd’hui ? Ah ! loin de jalouser son triomphe illusoire, Je plains, pour avoir pris cette route avant lui, L’ingénu qui demain, payant cher sa victoire, Gémira sous le deuil de son bonheur enfui.