Chant royal pour faire danser le monde
Célébrons l'existence au nom de la jeunesse
Sous le ciel des beaux jours quand chante le printemps ;
Délaissons la raison, l'éternelle sagesse,
Pour tournoyer longtemps, valser sous les autans,
En oubliant un peu la marche solitaire ;
Le voici, maintenant, le plaisir sur la terre ;
Les couples sont unis pour un simple loisir,
Des instants fugitifs, un bonheur à saisir ;
En oubliant soudain que notre terre est ronde
Et que les maux sauront très vite revenir,
Avec empressement, faisons danser le monde.
Dans une vieille France, un village s’empresse,
Au son des rigodons, des valses à trois temps,
D’enchainer les refrains au vent de l’allégresse
Des sabots qui claquent et des danseurs contents.
Tous les anciens assis forment un beau parterre
Et les participants ont cet air salutaire
Des gens tout en gaité prêts à se convertir
Au grand rassemblement du rire et du loisir ;
Tous aiment à redire, avec cette faconde
Des visages joyeux que rien ne peut flétrir :
Avec empressement, faisons danser le monde.
À la cour d’un grand roi, voici que la noblesse
Et ses représentants ont pris pour passe-temps
D’effectuer, entre autre, avec délicatesse,
D’élégants menuets aux tons virevoltants ;
Dans ce monde pompeux qui se veut élitaire,
Chaque conversation prend un ton délétère
Et les notes du bal cherchent à retenir
La liaison future ou l’aventure à fuir ;
En ces lieux où parfois s’aventure la fronde,
Un seigneur avisé redit sans coup férir :
Avec empressement, faisons danser le monde.
Dans la boite à la mode, on voit bouger la fesse,
Aux notes du disco jouant depuis longtemps
Le bal électronique avant que n’apparaisse
Lentement une aurore aux accents tremblotants.
À l’aube d’un matin, on ne sait quel mystère
Exalte sans arrêt le dernier volontaire
En agitant son corps, le faisant resplendir.
L’adolescent debout, tel un frêle menhir,
Se tortille malgré la sueur qui l’inonde ;
Pourtant plein d’énergie, il redit sans mollir :
Avec empressement, faisons danser le monde.
Sur les tombes des morts, la nuit soudain s’abaisse
Avec ses grands yeux noirs, ses airs inconsistants ;
Soudain des feux follets, jouant de leur sveltesse,
Font une sarabande au-dessus des étangs
Et des sombres tombeaux que la nuit noire enterre ;
L’étrange ballet bleu fait tout à coup se taire
Un monde d’animaux qui s’apprêtent à fuir ;
Une spirale en feu, dans un très long soupir,
Murmure avec un souffle à la voix vagabonde :
Malgré le grand ciel noir, le silence à mourir,
Avec empressement, faisons danser le monde.