TABLEAU NOIR
TABLEAU NOIR ?
Ecole de l’enfance, tu sentais bon le bois,
Les blouses en grisaille, la raideur de l’empois,
Le papier vernissé de nos livres bourrus,
Que l’on n’osait ouvrir, prodiges défendus,
De peur de les souiller de nos mains maculées
De cette encre violette qu’on mettait sur les plaies.
Elle embaumait la mer, l’iode des soirs d’orage,
Elle était l’élixir des enfants de mon âge,
Même si parfois, dans sa mauvaise humeur,
Elle laissait des pâtés de la forme d’un cœur.
J’aimais ces pots ventrus, fleurant l’amande amère,
Que le maître exhumait de l’armoire aux chimères,
Ces ardoises râpeuses frottées à la salive,
Messagères fugaces de nos tendres missives,
Les matins frissonnants, la buée sur les vitres,
Et les boules de gomme dans le fond des pupitres.
La blondine fillette embrassée sur la joue,
Au plus près de sa bouche, en rougissant beaucoup,
Je me souviens encore de son parfum de rose,
Le sent-bon des mamans et la douceur des choses.
Les courses éperdues dans les genêts mouillés,
Derrière le préau, tout au long des récrés.
Où sont-ils aujourd’hui, ces fantômes vivaces ?
Dans le flou souvenir de ces bonheurs fugaces,
Ne sont-ils qu’illusions, un fragment de nos vies,
Un ressaut de l’enfance, un rien de nostalgie ?