Chute d'amour
La valise remplie de rêves et de larmes,
D’effets personnels pris au hasard de ses mains,
De souvenirs heureux pour les jours de chagrin,
Elle fuit le silence qui meurtrit et désarme.
Perdu dans sa colère, le coeur en amertume,
Il ne prend pas mesure de l’amour à genoux,
Accuse le Bon Dieu et ses saints d’être fous
D’interdire au soleil de percer dans la brume.
La porte se referme doucement sur l’absence,
Sur l’absence de bruit, sur le mortel ennui
De l’horloge immobile qui gémit dans la nuit,
Sur sa mélancolie de vie en transparence.
Les joues brûlées de pleurs, le visage sans fard,
Le regard abîmé par le noir obsédant
Des obscures veillées à décompter le temps,
Elle part au pays où l’amour est un art.
Assis dans son fauteuil, il regarde la porte ;
Il écoute les pas qui s’éloignent de lui
Et dit : « Je l’aime tant ! Pourtant elle s’enfuit ! »
Mais va-t-il rester sourd à la voix qui l’exhorte,
A cette voix de l’âme blessée de solitude,
Etouffée par l’orgueil d’un coeur égratigné,
Qui l’incite à courir retrouver son aimée,
A gommer de ses yeux la grande lassitude.
« Si j’étais oiseau, je volerais vers elle »
Mais oiseau n’était point et voler ne pouvait !
Le temps était compté, se hâter il devait !
L’amour, la passion lui donnèrent des ailes !
Quelques mètres encor de ce long corridor…
Elle tient le mur pour ne pas s’écrouler :
Il est repère ultime de ses heures fanées,
La dernière empreinte de la vie et la mort.
Un effroyable fracas la sort de sa torpeur…
Elle arrête ses pas et, l’oreille tendue,
Le coeur au ralenti, ouït le son incongru
Venu troubler sa peine en ce jour de malheur.
Son époux empressé, une fois n’est pas coutume,
Avait raté la marche et chuté lourdement :
L’escalier, les amants, s’en souviendront longtemps…
Aujourd’hui leur bonheur est léger comme plume.
12/2004