Une larme paresse sur le drap de l’automne, Ivre de solitude, de lassitude noire : Tant de jours, tant de nuits, aux fontaines à boire Les amères liqueurs des saisons monotones.
A peine est-elle tombée, une autre la remplace ; En flux silencieux, elles partagent les peines, Les souffrances, les misères, en formant une chaîne Sur les visages blêmes aux tristesses de glace.
Elle s’abreuve sans fin aux abysses de l’âme Et racle la douleur, le doute et la rancoeur ; Pleine dans sa rondeur du cri muet des heures, Elle roule sur la joue son écho à l’infâme.
Sous le masque hypocrite d’un sourire d’azur, Elle attend, patiente, au pli caché de l’oeil, De mourir au tombeau, sur un tapis de feuilles De la morte-saison, désavouant l’impur.
Pourquoi faut-il toujours des sanglots aux malheurs ? Qu’on m’arrache le coeur ! Il n’est plus qu’une ruine, Un jardin ravagé par l’orage et la bruine, Par l’acide des jours et des nuits sans couleurs.
Comment taire les maux qui traversent les âges En égouttant leurs pleurs sur la route des jours ? Je vous donne ma vie, mes amours, mes toujours, Mes océans de pluie, mes cieux et leurs orages.
Et si l’aube se penche sur les yeux en détresse Et cueille la rosée d’une nuit sans sommeil De la pointe d’un cil du timide soleil, L’espoir renaîtra-t-il sous l’or de ses caresses ?