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Michèle BRODOWICZ

Le sultan et la favorite

Le désert étire sa mer de diamants
Et l'astre au pinceau d'or, en maître des lumières,
Dessine danseuses au ventre d’Orient
Sur les grains de sable, les dunes et les pierres.

Sur cette immensité, à l'infini du temps,
Règne un sultan jaloux mais aussi orgueilleux ;
Une jeune femme, aux vagues de ses yeux,
Noie sa naïveté dans le vert océan.

Elle rêve de nager au profond de son coeur,
D'apprivoiser son âme, d'être son avenir.
Brille sous la lune le palais des soupirs,
S'écoule le sable de leurs doigts de bonheur.

Les aiguilles des jours tournent sur le cadran ;
Au jardin de l'absence et de l’indifférence
Pleurent les silences, chagrins en transparence,
Tandis qu'insouciants, rient et jouent les enfants.

Telles des taches d’encre au bas d'un écritoire,
Des ombres salissent la terre ensoleillée.
Pour retrouver l'été et sa sérénité
Elle s’isole sur les rives de sa mémoire.

Le désert avance dans l'océan muet
Tandis que le sultan la couvre de parures,
Habille son palais de barreaux en dorures.
Aux voiles de la nuit, elle pend sa destinée

Favorite soumise, au regard de tristesse,
D'un sanglot de rosée arrose son jardin,
Amertume de lune en larmes et crachin
Et brûle le velours des roses de tendresse.

De sa cage dorée s’évadent ses pensées
De dentelles brodées en mots de poésie
Qui l’envelopperont au terme de sa vie
Quand la mort ouvrira les portes du palais.

...

Le sultan, un matin, sort de sa forteresse ;
Il porte, entre ses bras, son épouse adorée,
Son corps inanimé. Elle s'était envolée
Laissant aux silences tous ses cris de détresse.

Sur le marbre, ces mots gravés à tout jamais :
« Elle était libre……………… de m’aimer »




18 juin 2002