Pipe au coin des lèvres et casquette baissée Le capitaine, chaque jour, vient sur le port Ecouter le chant de ses rêves déchirés Par un cœur embrassant et la nuit et l’aurore.
Tel un buveur qui s’accroche à sa solitude Comme à une bouteille de vin italien Aux rondeurs laides et difformes de l’habitude Et rêve de s’enivrer du nectar divin,
Le vieux marin se raccroche à ses espérances, A cette musique qu’il entend chaque nuit, Le hante, le nourrit et calme ses souffrances, Lui, tenu par une dette qui le poursuit.
Ce matin, comme tous les matins depuis longtemps, Il s’approche du bord et fixe l’horizon. Un sourire éclaire son visage : elle attend… Il lui envoie son cœur débordant de passion.
C’est avec elle qu’il a fait les plus beaux voyages Qui l’ont ramené aux frontières du passé, Ce passé fauché par un destin trop sauvage Où l’harmonie et le bonheur se partageaient.
Le cœur a ses raisons que la raison ignore… Que de ponts se sont-ils interdits de franchir ! En vain… Elle s’enfuit et il la ramène au port, Il retourne au présent… Lui manquent ses sourires !
Il est longtemps absent, elle sait où le trouver. S’ils ne connaissent pas l’art de la séparation, Ils savent se cacher des regards indiscrets Pour se retrouver et vivre leurs émotions.
Vous qui les traquez, les espionnez sans relâche, Sachez qu’ils n’économisent point leurs efforts Pour adoucir votre souffrance ! Pénible tâche Pour deux cœurs amants qui, à vos yeux, trop s’adorent.