Quand la nuit et l'ennui épousent le silence J'entends le piano jouer mes souvenirs, Le prélude de Bach, sous tes doigts de faïence Graciles d'enfance, soupirait de plaisir.
Tes cheveux d'or frôlaient le tabouret de bois Le soleil, en tombant, déposait ses reflets Et ma main, tendrement, en caressait la soie Fière et heureuse des instants partagés.
Dans tes veines coulait du sang mêlé de lave Un torrent bouillonnait, tes petits doigts couraient D'une note à l'autre, octave après octave, Légers et gracieux. Et pourtant... tu souffrais !
Que j'aimais tes rires, ton sourire et ta joie Quand les notes dansaient en suivant la cadence De ce métronome sans âme, insensible, froid Oubliant tes douleurs et tes désespérances.
J'ai la souvenance de l'éclat de nos yeux, De nos voix suspendues à Bach et son prélude Quand s'envolait le son dans l'air silencieux Nos coeurs se remplissant d'exquise quiétude.
Je t'imagine encor assise au piano, Tes petits doigts d'enfant apprivoisant les notes, Ma main sur tes cheveux si soyeux et si beaux Comme des préludes, sonates et gavottes.
Mes pensées se cognent aux touches orphelines Et les gammes rouillent, enfermées dans le noir ; Je te revois princesse aux mains frêles et fines Avant que d'écrire une page d'histoire.
Ce soir flotte dans l'air ce prélude de Bach Que tu aimais jouer à l'heure de ta jeunesse Au lieu d'aller sauter, à pieds joints, dans les flaques ; Le bonheur t'a étreint, petite diablesse...