Si j’étais une fleur, ta main m’aurait cueillie Dans le lit défait d’une rivière tarie Par l’été buvant l’eau avec les pailles d’or D’un soleil trop impétueux dans son effort.
Après avoir ôté les galets gris et blancs Roulés et adoucis par des flots turbulents, Tu aurais tendu tes doigts soignés et dociles Et puis coupé ma tige ténue et fragile.
Au creux de ta main tendue en offrande aux cieux, J’aurais voyagé dans le miroir de tes yeux Avant que de m’ouvrir dans le vase du Temps Et de te raconter mes souvenirs d’antan.
Tu aurais effleuré mes pétales de soie, D’un revers de douceur dévoilé ton émoi En touchant cette robe en volants de dentelle, Aussi belle que le corps d’une jouvencelle.
Au milieu du bouquet de tes amours vieillies Tu m’aurais posée pour voir sourire la pluie En oubliant de changer l’eau grise des jours, L’eau qui assassine la beauté de l’Amour.
Puis un jour, au pied du vase des amours tues, Enfuies de la source cachée, des larmes nues : Tu en aurais porté le deuil et son linceul Et peut-être, aurais-tu pleuré certains soirs… seul !
Tu m’aurais couchée dans le livre de ta vie, Entre deux pages au chapitre « Mélancolie » ; Et quand le froid d’hiver aurait glacé tes ans Tu aurais su qu’il ne faut pas tuer le Temps.