Tu fais partie du port, Tu es l'un de ses spectres, Quand le quidam dort, Et que le rhum est maître.
Tu subis l'existence Sans trop savoir pourquoi, Tu te perds dans ta transe, Tu as perdu la foi.
Tu es la femme du port, Larguée, sans liberté ; L'objet du réconfort, De marins avinés,
Tu t'offres à l'inconnu jamais délimité, A ces hommes qui traînent sous les nuits étoilées, Que tu devines à peine, droguée de l'insomnie, Quand dans une ruelle ils t'entraînent sans bruit.
L'un de ceux que tu croises dans les bars Quand tu erres dans le port, Après quelques bobards, Qui te prennent si fort.
Leur haleine charrie les vapeurs Des alcools qu'ils ont bu, Et toi, rivée dans ta stupeur, Tu oublies un peu plus tes illusions déçues.
Dans la brume des quais tu cherches à oublier, Tu erres dans la nuit pour ne plus rien penser. Pour stopper ton cerveau, pour arrêter tes rêves, Tu t'offres en anonyme, tu t'offres et tu en crève.
C'est ta déchéance que tu vois devant toi, Juste une nuit sans fin, une vie sans aurore ; Ainsi s'écoule tes jours, ainsi s'élève ta croix, Tu survis dans un rêve, à la lisière de toi.