Il allait dans Rouen…
Il allait dans Rouen, dans les rues de la ville,
En quête d’un regard, d’une image en arrêt,
D’un peu d’ensoleillé, d’un regard entre mille,
D’un de ces petits riens du geste d’amitié.
Il a déambulé en mendiant de misère
Dessous le Gros Horloge, et cœur en vacuité
De solidarités, d’histoires éphémères,
De mots, de chiens errants, d’abris pour les fauchés.
Il vague entre badauds, sis aux feux tricolores,
Enseignes argentées et néons éclairés,
Magasins tout public où la foule sonore
Affiche, haut et fort, son inhumanité.
Il va s’asseoir, c’est sûr, dans cette rue piétonne,
L’errant sous baluchon, et il tendra la main
Près de ce caniveau, ce trou noir qui claironne
Que la terre est galère au bohème en chemin.
Il se souvient de bancs publics et de murmures
Sur les pavés d’antan, de marchands ambulants,
De bouquets de deux sous, de fleuris en parures,
De tunnels où la fin s’entrouvrait aux amants…
Il entend les échos du sac en bandoulière :
"Souffle ces quelques mots qui collent à la peau" :
C’est un appel, un cri, un chant, une prière,
Supplique de vider tout son sac, en un mot…
Il extrait tout au fond du ballot un vieux livre
Dessous deux trois habits, pour l’hiver et l’été,
De quoi boire et manger, des drogues qui enivrent
Et quelques sucreries en trousse pour les plaies…
Il serre contre lui le grimoire magique,
écorné, délavé, flétri, parcheminé ;
L’histoire de sa vie, unique, héroïque,
Est une page blanche : Pas un mot d’annoté…