Avec un ciel collé aux semelles de tes plateaux Et ce fleuve qui gardait si mal Son eau à fleur de terre, jumelle des cieux pâles ...
Aujourd'hui, les fils téléphoniques Où se tissent les conversations Passent là, le 20e siècle a posé sur toi son tampon Et tu me fais un salut plein de pluie.
Le sceau du 20e siècle, les soldats ont eu bien mal. Dans ta glaise jaune saignaient les godillots. Tout l'Est a vendangé un vin sanglant, l'impôt De chair fut payé plaie par plaie, râle par râle Le long de tes coteaux.
Sur cette campagne pour toujours médiévale Là où ta maison, bergère, se tient, on entend les troupeaux Gémir de toute leur douleur pascale.
Et j'entends ta voix frêle et haute, et ton pas pastoral.
Tu marches vers ton armée, vers ton bûcher, Et l'eau De la Meuse te dit adieu et ruse En plissant son dos. Et tu trempes, pensive, ta main virginale Dans son cours trop mol pour être flot.
T'es tu retournée pour dire adieu à ton père, à ta mère ? As-tu salué les champs où tes genoux se sont ouverts Pour la première fois à tes premiers jeux, Stigmates des ris d'enfants brisés aux pierres Des chemins tortueux ?
Tu marches vers tes soldats, tu marches,sûre de toi. Mais qui donc te reconnaîtra ? Même ta maison ne t'a pas reconnue, rappelle-toi Ce jour où tu avais mangé trop de mûres, Du fruit en larmes noires sur la figure ... Alors, si l'ange dans la clairière t'a parlé, Qui voudra laisser son aire et son jeune blé Pour voler vers ce roi de petit domaine