"Au Cœur de la ville"
De leur inconscience native,
deux jeunes gens s’élevèrent hors de l’eau pour donner
plante à leurs pieds…
Ondins,
ils avançaient comme des poissons, pêchaient sans laisser
pinçon.
De l’eau, ils ne se distinguaient ; ni l’un de l’autre.
Un jour de bain, l’un d’eux se trouva empierré par des
pieds soudainement poussés ;
l’autre fut pris au même instant en sable mouvant.
Dans un grand effort, devenus solidaires,
ils s’extirpèrent, en compères, d’un terrain de jeux devenu
hostile.
Sous la chaleur intenable se fit alors jour,
à leurs yeux,
l’étendue reculée de l’horizon.
C’est à ce moment précis qu’un gros engin de chantier se
posta aux abords.
Un homme, les pieds ancrés sur une pédale, les invita à
monter.
Ils furent alors trois à se placer, deux à l’arrière, un à
l’avant :
une fille, sortie de nulle part, les accompagnait…
Ils arrivèrent en une cité, en pleine foule.
Taillée en vaguelette,
la veine principale s’annonçait en onde familière aux deux
complices.
Pour cette raison sûrement, ils y pénétraient sans crainte.
Tout ce qui tombait sous leurs yeux était source de sourires
en leurs nouveaux pieds.
Ainsi du miroir des désirs et des peurs :
au gras de l’un répondait la finesse de l’autre ;
Hors de son éclat,
l’avant brut de l’un réfléchissait la beauté de l’arrière net de
l’autre.
Aussi, laissèrent-ils instantanément tomber en rires le
miroir aux reflets d’ombres.
* * *
Aujourd’hui encore, on peut les voir au cœur de la ville, en
tableau vivant.
Tels des poissons dans l’eau, pieds nus, ils nagent côte à
côte ;
la plante des pieds large et solide de l’un, fine et
transparente de l’autre,
les élance dans le bras immense de la ville,
en maîtres des illusions…
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