Chaque jour lorsque dans cette rue je passe Au travers de la vitre qui nous sépare Je croise le même regard. Assise dans son grand fauteuil installé Près de la fenêtre au rideau soulevé Je devine, sur ses genoux, ses mains croisées. Sur ses traits chiffonnés, Tristesse et ennui peuvent se lire, La vielle dame n’a plus qu’un seul loisir : Observer les mouvements de la rue active.
Involontairement je fais partie de ce ballet, Va-et-vient de voitures bruyantes Qui se mêlent aux piétons impatients, Le tout avançant furtivement… et pourtant, Son regard impassible a accroché le mien intrigué.
Pourquoi tant de tristesse dans ce si beau visage ? Que cache son air fermé, que fixe son regard ? Attend-elle celui ou celle qui ne viendra jamais ? Espère-t-elle malgré tout cette surprise, un courrier ?
Il est dur de vieillir dans nos cités fermées Par la faute d’une vie esclave du progrès. Que sont donc devenues les veillées L’hiver autour d’un bon foyer ? Que sont donc devenues les veillées L’été dans les rues animées ? Celles-là mêmes qui permettaient Discussions, échanges, partages, respect.
Il y a tant de choses à apprendre, à redécouvrir Aux côtés de nos aînés, nos aïeuls, nos anciens. Il suffit de leur prendre la main et de leur dire « Grand-mère, grand-père raconte-moi ce qui est tien » Pour voir des traits de visage se détendre, rajeunir Pour voir des yeux s’animer, pétiller de petits riens.
La vieillesse, c’est demain, c’est notre destin. Pour ceux qui, aujourd’hui, la connaissent, c’est certain Un signe de la main, un sourire, une visite en voisin Apaisent, réconfortent, embellissent ce long chemin.