Caligramme I - vagues
Elle fondit sur lui, attablé à l’écart ;
Mutine et cambrée, les appâts en joue ;
‘Viens danser !’ dit-elle avec art.
Sur quoi, il fit la moue,
Les yeux au loin,
D’airain.
Déçue
Sur le dessus,
Et vexée par dessous,
Elle partit se recoiffer,
Laissant le mufle à sa rêverie, où,
Le mâle est un centaure et la femme une fée.
Quand il sort du Café il est déjà onze heures,
De lourds nuages que l’orage zèbre,
Casquent les hirsutes demeures.
Et s’ouvrent des ténèbres
Les portes lasses
Qu’il passe.
La nuit,
Partout le suit,
Mais dans l’œil du rêveur,
Où tout n’est que foisonnement
De couleurs saugrenues et de saveurs
Inconnues, scintille un soleil iridescent.
Il arrive chez lui, entre et se laisse choir
Dans un fauteuil bien vu de son céans,
Et, surprenant dans le miroir
Son doux regard absent,
Tel l’enfant, rit,
Ravi.
Le jour
Point, et toujours
Enroulé dans la moire,
Le dormeur rêve et rêve encore.
L’univers renait sous son front d’ivoire,
Que l’astre souriant baigne de reflets d’or.
Demain il sera loin, sur un lac, sur une ile,
Devant un paysage, dévêtu.
Sa vie est un voyage, un Nil
Qu’il descend, impromptu,
Ne faisant halte
A Malte,
A Lens
Ou à Florence
Que pour faire le plein
D’images. ‘Libre’ est son statut.
Sourd aux conseils du sage et du Malin,
Il suit ses deux amis, l’astre et le vent ; têtu.
Sur son âme d’azur le temps n’a point de prise ;
Si nous sommes la pierre, il est la pluie,
Qui, chantée par l’aimante brise,
Dit : ‘je sais qui je suis’
Au noir galet
Fêlé.
Il erre
Sans but, sans aire ;
Il se souvient des rires,
Les visages emprunts d’ennui,
Il les oublie. Le monde est son empire ;
Qu’il sillonne le jour et magnifie la nuit.