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Martin et Lodie

Martin était sagement assis devant sa case. Le soleil inondait sa détente. Il avait soif. Il prit une graine de palmier qu'il avait reçu à l'occasion. Et la planta. Quand le palmier eut fini de prendre, il le contempla, il pensa qu'il était bien. Alors il put s'assoir à l'ombre du soleil couchant et comme il avait toujours soif, il prit comme au hasard l'un des ouvrages (de connaissances) sur la pile à côté de laquelle il s'asseyait toujours. Il pouvait enfin s'abandonner à l'un de ses passes-temps favoris : faire du sèche-lettrine. Il passait son doigt sur les enluminures des hauts de pages pour en chasser la fine pellicule humide que déposait la rosée du soir sur les arabesques épaisses qu'il se gardait bien au chaud. Il prenait le temps, se désaltérant des confessions que lui léguaient ses pairs.

Comme souvent sans prévenir, Lodie venait lui rendre visite. Avec ses trois jambes, on aurait pu croire qu'elle était vieille. Elle s'assit. Posa sa troisième jambe à côté de Martin, lui sourit, satisfaite et surement pleine d'espoir.

- Parle-moi de ta famille. Tu ne parles jamais de ta famille. Tu penses à elle souvent ?

- Oui, parfois. Et quand j'y pense, je ne pense pas vraiment à elle, je pense surtout à mes souvenirs. Tu vois, je n'ai plus de dent tellement j'ai ruminé mon passé.

- Elle ne te manque pas ?

- Ce qui me gène le plus c'est le souvenir d'en avoir eues.

- Ta maman, par exemple. Il ne subsiste pas des images toutes roses d'elle dans ton petit coeur tout sage ?

- Pareil ! Je me souviens bien des gens qui se sont bien occupés de moi. Mais je ne sais pas oublier la peine qu'il m'ont laissée en partant.

- Il doit y avoir tant de gens que tu as aimés, et tu n'y penses plus.

- En fait, je n'aime personne alors personne ne me manque. C'est logique.

- Enfin, que dis-tu ? Ça n'est pas possible de n'aimer personne. Il y a plein de gens que tu aimes ici. Tu m'aimes bien un peu quand même ?

- En fait, je n'aime personne comme on parle du mot aimer. Moi, j'aime de façon plus universelle. De façon moins conditionnelle. À ma façon à moi. J'aime tout le monde en quelque sorte.

- Mais enfin, on ne peut pas aimer tout le monde. Ça n'est pas possible. Celui qui croit aimer tout le monde, en fait, il n'aime personne.

- C'est pour cela que je préfère dire que je n'aime personne, c'est plus facile à croire. Et comme je ne peux pas penser à tout le monde en même temps, je ne pense à personne et personne ne me manque. C'est logique.

- Tu dois être plus malheureux que tu n'en as l'air en surface, au fond. Ouvre la bouche. Oh ! Tu n'as plus de dents. Même pas une dernière pour garder en souvenir.

- Non, mais avant j'avais des photos. Ah ça, ça me manque les photos, vois-tu ?

- Oui, je vois bien. Ça te manque parce que ça te permet de te souvenir de ce à quoi tu oublies de penser.