Les chiens
À Anahid Klotz, «gardienne des ânes»
Les deux chiens sont assis sur le chien-assis,
Ce sont deux caniches, aboyant sur le toit
D'une grande maison dont le toit est tout gris;
La maîtresse de ceux-ci a le cœur plein d'effroi.
«Comment ont-ils pu arriver tout en haut?»,
Demanda une jeune femme à la propriétaire.
La jeune femme, ce fut moi, j'entendis des sanglots
De la femme qui était pour les chiens comme une mère.
«Elles ont trop de courage, ces bêtes de Diable»,
M'avoue-t-elle en tendant son doigt vers le ciel,
«Les sauver tout de suite est un acte peu fiable,
Puisque si je le tente, en moi monte le fiel.»
Grâce à un élan et d'un grand soubresaut,
Les toutous s'élancent du haut bâtiment.
Gauchement, mais vite, ils atterrissent sur l'îlot
Et s'échappent de l'imminent châtiment.
La dame est surprise, choquée, en colère.
Bien qu'ils soient sauvages, elle aime ses caniches
Qui sont faibles et forts, comme des enfants à la guerre,
Mais une guerre pacifique, des soldats très godiches.
Les deux grands caniches s'appellent Bérénice
Et Samson; vêtus de belles toisons,
La femelle porte une beige; c'est aussi un délice
De voir du chien mâle son poil noir, semblable au coton.
Bérénice aime les ânes, comme son petit-ami,
Chaque jour, dans le pré, ils jouent à leurs jeux,
À chaque fois que je vois comme ils sont épanouis,
Je ressens tout à coup des frissons bienheureux.
Ces deux animaux si joueurs et badins
Me rappellent la joie des petits enfants
Qui sont à la fois plus tendres et câlins
Que dans les alcôves les folâtres amants.
Si j'avais le choix entre chien et humain,
Je choisirais le premier à être maintenant;
Car un chien est plus libre qu'un homme, et coquin,
Sans être puni pour des choses marrantes.
Le chien est pour l'homme comme le meilleur ami,
Il reste à ses côtés et reste toujours fidèle,
C'est pourquoi je veux bien être comme lui,
L'animal pour qui les loups sont des dieux éternels.
