Profiter de l’instant le surprendre le figer le suspendre lui souffler des silences lui attiser les braises le troubler l’entendre frémir l’écouter rougir le sentir sourire sourire et s’évanouir Allumer sa Lune rousse ronde blonde Caresser ses cœurs respirer ses lueurs aspirer ses parfums orange bleu mauve Contempler ses quartiers visiter ses cratères Aller à la plage au bord de ses mers Saisir ses pierres accueillir ses lumières Y poser juste un doigt ou deux pour cueillir une larme ou deux L’effleurer la cambrer la mouiller l’écarter et la prendre là debout dans la poussière lactée dans la lave brûlante Lui offrir sa jouissance son râle son cri Animaliser son essence ses sens Devenir sa saillie son antre sa vie Croquer sa pomme d’Amour rouge sucrée craquante sous le pommeau de douche ruisselant sur ma bouche de ma pomme d’Adam sur ses seins animés L’Amour le voilà l’Amour encore lui l’Amour toujours luit l’Amour solaire solitaire saule pleureur saut de l’ange l’Amour à mort percé de banderilles dans le sang de la Reine l’Amour capoté étouffé maladroit jaloux aigri et sans rêve l’Amour propre sali qui nous pompe et nous crève l’Amour du poète qui nous veille et nous sauve l’Amour blessé tordu magnifique impossible l’Amour tristement gai et joliment barbare l’Amour à la sauvette sur la banquette arrière l’Amour heureux malheureux perdu éperdu l’Amour fou l’Amour doux l’Amour liesse en détresse l’Amour cochon l‘Amour vache l’Amour félin des amours chiennes l’Amour louve l’Amour hyène l’Amour éléphant l’Amour hirondelle l’Amour des lionnes pour leurs petits dans l’odeur des savanes l’Amour bestiaire bestial bête comme chou l’Amour fruits et légumes Oh oui! Fais moi encor’ Chérie! Une turlute à la fraise du sirop d’abricot une tétée potagère! Ça coule de partout une orgie de cascades une cascade d’ Amour et le revoilà je vous l’avais bien dit l’Amour encore lui l’Amour toujours luit Il prend toute la place au beau milieu du lit au milieu des rivières sous la voûte étoilée dans le noir de nos vies Je pense à tout ça dans le matin fané je pense à la Lune repartie se coucher je pense aux ouragans d’hier à la paix de demain Je pense: Je pense trop Je pense même: Je pense trop que je pense trop Je pense à un gros trou avalant mes pensées Je pense: J’ai peur de me faire avaler Alors je pose mon souffle sur un fil de pénombre J’entends sourire Bouddha et sa tête impassible J’entends les oiseaux emballer les cadeaux J’entends que je respire c’est un signe qui trompe pas J’ai atterri une fois encore sur le monde des débuts sur le monde défunt Il y a des chiffres rouges qui brillent à côté de moi comme un rappel vermeil à l’ordre des choses C’est la vie qui se rassure en affichant leurre Mon p’tit cœur tambourine et me dit lève toi Il y a mon chat qui miaule et réclame à boire à manger un câlin sur mon ventre Il y a l’envie de pisser et de boire un café Il y a les jours qui passent qu’ils soient bons ou mauvais Il y a ce sentiment de remplir son sac de petits mots d’instant qu’il a griffonnés et oubliés là sur la terrasse en bois baignée de rayons fauves Il me dit s’il te plaît dessine moi une balançoire et un siège en diamant fais frémir le grand chêne pour touiller la lumière attrape l’air et le vent et les plumes du soleil J’ouvre les bras pour profiter de lui le surprendre le figer le suspendre J’embrasse son fantôme il est déjà parti comme un papillon blanc dans le feu translucide…