On ne peut vivre indéfiniment perché dans le privilège du confort avec des œillères et un cache-nez pour ne pas sentir monter l'odeur âcre de la misère et de la pourriture du monde. Certains matins on se promène et le vent ramène de plein fouet le froid, la guerre, la pauvreté le regard des souffrants qui attendent sur un trottoir contre leur chien grelottant que renaisse l'espoir... du printemps. Ce mois-ci je n'ai plus un sou en poche car j'ai distribué le peu qu'il me restait aux blessés de la vie que le sort a condamnés. Je n'en tire nulle gloire et n'attends nul salut, je n'en parle que pour éveiller nos consciences vermoulues. Je ne peux plus me payer tous les livres de mes rêves mais j'ai trop connu la mort dans mon sang et dans ma chair dans les barreaux d'un lit de fer dans les corps que j'ai portés après leur naufrage sur la grève glaciale et aseptisée des hôpitaux de l'enfer, oui j'ai trop connu la mort pour accepter que l'on crève dans l'indifférence de la rue.