L’AUBE BLEUE (prose, en mémoire de mes grands-mères)
Quand je contemple, comme ce matin, l’aube et ses vagues bleutées, je songe à l’humble passage sur Terre des femmes de l’ombre pourtant si lumineuses qui ont bercé mon enfance : mes grands-mères... De leurs regards éteints me reviennent par vagues les flots calmes et limpides du bleu qu' elles arboraient et dont elles inondaient le monde et ses larmes, quelques tranches de vie dans l'immortalité... Elles avaient l'aube bleue, le charme des villages, le parfum des lilas et des violettes douces ; elles avaient le regard des êtres qui éclairent les chemins caillouteux de mille braises rousses. Elles n'avaient pas l'éclat des stars intemporelles et elles n'eurent à leurs bras qu'un homme.... À leurs mamelles, nul amant de leurs rêves, juste quelques marmots : des petites vies simples, de don et de misère, rien de sensationnel en dehors de l'Amour, d’humbles vies de femmes et surtout de labeur, simples, presque banales, et pourtant leurs regards malicieux et sereins, chacun irremplaçable, à nul autre pareil... Et leurs rires-poèmes, rivières flamboyantes, et ce rouge à leurs lèvres, framboises d’amarante...