J’ai l’âme malheureuse D’un être amer et triste Dont l’histoire est affreuse, La vie, finie, attriste ; Et l’humeur est si morne Que son rire se borne A ses lèvres blessées, Loin de son cœur brisé.
J’ai le cœur d’un amant Qu’on refuse de croire Et qui s’en va souffrant Comme un soldat sans gloire ; Seul, tel le mauvais grain, Seul avec son chagrin : Défait par le projet D’un bien cruel rejet.
J’ai la bouche accusée D’avoir souillé l’amour Et d’avoir mal usée — Moi qui me tus toujours, Qui n’ai jamais failli— La parole, trahie L’amie sans voile, et Le secret dévoilé.
J’ai l’ombre toute noire D’un geai paré de plumes Que le brouillard du soir, Qui s’en va, dé-costume, Et, livre, fallacieux, Au regard minutieux De la paonne ahurie : — Oh ! rude effronterie !
Je ne suis même plus L’adulte qui s’explique : L’enfant en moi s’est plu, De l’homme qui abdique, Qui a perdu la face, A dérober la place : Tous ces mots balbutiés ! Ces yeux de supplicié !
Je suis celui qu’on scrute De l’oeil aigu du doute, La mine qui rebute, Exaspère, et dégoûte : Tout mon sort, désormais, Ne tiendra, à jamais, Qu’à dissiper les nuages De ce mauvais orage.