Il était une fois un garçon Qui tous les soirs Après quelques verres de cette Bloody Mary Montait aux réverbères de la ville Pendu à son lampadaire comme un étendard vivant C’était sa façon à lui d’incarner sa liberté C’était sa façon à lui de déchiffrer le monde Même si une fois tout là-haut Il s’écorchait violemment les paumes Transpercées par la fine pellicule de fibre de verre Sur le dessus des lampadaires Les mains en sang, il clamait que le jeu en valait la chandelle Prêt à tout pour flatter les prunelles rivées sur sa folie En quête de plaisir à l’état pur Il faisait partie de l’écurie que j’aimais bien : Celle de ceux qui vivent des hauts très hauts pour des bas très bas Vingt-trois heures de détresse pour une heure d’euphorie Je trouvais que ces gens-là étaient probablement Les gens les plus sincères que l’on pouvait croiser sur notre route Car ils ne savaient pas mentir Lui, sa mélancolie, il la vivait sans mentir Sans regarder personne En se laissant glisser comme une gelée de confiture sur un bloc de beurre trop frais Il attendait simplement son tour Patiemment Sans artifice Le bas très bas en attendant le haut très haut Comme un passage sous un préau Comme un passage dans un sentier un peu étroit C’est éphémère Ça passera Comme la danse extatique d’une grande roue Une fois redescendu de sa vue imprenable Il s’en allait doucement permettre à ceux qui rongeaient leur frein De connaître leur heure de gloire à eux En bas, il en profitait pour accumuler des désirs Attendre son tour et remonter à nouveau Drapeau libre livré aux humeurs des vents Acrobate joueur lié aux aléas de sa chance Il grattait le ciel pour trouver son numéro fétiche Mais un jour La poudre métallique soufflée au cœur La tête à l’envers Sans nul si découvert Sans filet sous son tronc Il a tambouriné comme un pivert Et, sur les bords minces, il a vacillé Les pieds pourtant attachés aux nuages Les paumes recouvertes de fibres de verre La peau pénétrée par de pures paillettes de bistouri Plus lancinantes que des crissements Du haut de son mat blanc Il s’est tu en silence