Toi Qui ne sais qu'habiter les choses à moitié, Que funambuler à la faveur de la nuit; Toi, qui traverses le monde du bout du pied Jamais sûr d'être vraiment né Ni vraiment mort.
Toi Qui glisses juste au-dehors Un demi-oeil, Un demi-oeil rond tâtonnant, lémurien. Toi Le farouche toujours à demi spectral Toujours en bordure de la vague du temps, Toujours en lisière du précipice amer Toujours isolé dans la colonne du vent Comme un essai d'ébauche ad vitam aeternam.
Toi L'étranger même à sa propre étrangeté, Le foetus arrché au ventre maternel Le séparé qui n'a jamais su se parer Ni apparaître Dans le sens de la lumière.
Tu ne te dévoiles Que quand meurent les sons Que quand L'immense perplexité de ton oeil Celui qui n'est pas borgne, atteint L'entre-deux-mers, L'entre-deux-morts, Les borborygmes de la fange
Et tu les vois buller, comme des bubble-gums Tu regardes leurs monstrueuses explosions Qui te font penser aux mastodontes aux mammouths, à des ferments Dont tu n'as même pas idée
Mais cela ne fait rien, ceci importe peu Ton bras s'accroche simplement à de la sève.