Un air papillonnant d’une flûte en roseau, Un léger pincement d’un doigt sur une corde Et l’on entend déjà le petit chant de l’eau Qu’un vent de violons enveloppe et déborde.
Il s’étire et descend jusqu’au bout de l’archet, Ce ruisseau ravissant traversant la Bohème Qui valse sur un air tout bien endimanché En faisant miroiter ses éclats de diadème.
Au milieu des forêts, gîtes des farfadets, S’écoule son courant étiré par un cuivre, Où s’abreuve un grand cerf qui, roi des cervidés, Entend le son du cor dans le bois le poursuivre.
Puis son onde frissonne aux accords guillerets Annonçant sur la rive une fête champêtre, Égayant les blés mûrs colorant les adrets Et dont les chants joyeux s’en viennent la repaître.
La nuit tout en douceur tend son voile bleuté En laissant s’échapper des cordes de la harpe, Les douces roussalkas qui, dans la pureté, Portent pour seuls atours les astres en écharpe.
Saint-Jean est annoncé d’un torrent de hautbois, Cymbales percutant les vagues sur la roche Et s’agitent les eaux des remous aux abois Contre les percussions au son qui s’effiloche.
Le calme enfin revient, le flot majestueux Avance dans son lit, orchestre sur la vague, En baignant Vysehrad d’un flux respectueux, Brûle ses violons en l’honneur du vieux Prague.
Elle arrive, sereine, au bout de son destin, Vient expirer, docile, au son d’une trompette En jetant ses accords dans l’Elbe qui l’éteint Pour offrir à ses eaux une gloire complète.