Idolâtres du temps qui file entre leurs doigts Ils courent après la vie pour découvrir leur mort Ils commettent la trame de leur ruban de soi A rattraper le temps, ils décomposent leur corps
Vite toujours plus vite pas une seconde à perdre Sur la route, dans les airs, l’océan ou le fer Il faut gagner du temps surtout ne pas en perdre Ralentir les aiguilles, laisser l’heure au repaire
Ils aiment à toute allure sans prendre le temps d’aimer Sans même regarder celle qui partage leur lit Ils plantent leur épieu dans l’épouse blasée Qui se mord les lèvres quand ils croient qu’elle sourit !
Leurs enfants sont des hommes qu’ils n’ont pas vu grandir Et les fils de leur fils sont déjà des ados Quand leurs filles sont des mères Qu’ils n’ont pas vu souffrir ! Ils sanglotent et regrettent, ils se courbent le dos
Alors tout déconfit, ils regardent les horloges Les clepsydres, les pendules et les cadrans solaires Ils ont gagné du temps et conquis les éloges. Les aiguilles vont plus vite, elles filent sur leur erre.
Ils ont enfin le temps de regarder le temps Grignoter peu à peu ce qu’il reste d’existence A leurs os fatigués d’avoir couru autant La chimère fuyante d’un concept sans essence.