Je me vois là gisant Mes mains sur la poitrine Entouré des amis et de lointains parents Ils ont leurs yeux baissés et ils font triste mine. Je n’étais pas très vieux et plus jeune non plus C’est une mort discrète sans trompette ni tambours Une mort secrète. J’étais, je ne suis plus. Je suis parti sans haine mais encore plein d’amour Pour tout ceux de mon sang, les petits et les grands. Qu’ai-je fait de ma vie ? Qui fera le bilan De toutes ces années où j’étais si vivant ? De ce petit garçon qui pleurait sa maman A l’adulte sénescent qui allait à pas lents. A la porte du néant y aura-t-il un Juge Pour dire tous mes péchés et tout mes égarements Mes moments de détresse quand je cherchais refuge Dans les bras de ces femmes que l’on nomme putains. Quand celle que j’aimais se refusait à moi. Repoussant mes avances, mes gestes libertins? Y aura-t-il un Juge pour dire les effrois Des longues nuits sans sommeil Où l’on se sent si seul, si seul sous son toit ? Quand la mort apparaît comme une délivrance Et qu’on va la chercher avec insistance La priant de venir en invoquant sa loi Et partager à deux le tout dernier sommeil? Y aura-t-il un Juge pour dire le désarroi De l’enfant rejeté d’une mère incomprise De l’enfance gâchée dans les orphelinats Une enfance bradée, une enfance qui se brise Sur les pavés luisants que sont les bien pensants Qui pleurent et qui prient sur les bancs des églises Puis humilient les humbles des parvis en sortant? Y aura-t-il un Juge pour conter ma tristesse D’avoir vécu sans père sans la moindre caresse D’avoir traîné sans cesse Pendant toutes ces années Gravés dans mon corps nu Dans mon âme et pensées Ces mots tant entendus vus et relus : Né de père inconnu. Y aura-t-il un Juge à la porte du néant ?