Le Fou.
Je suis le fou, le fou,
Le fou dont on se fout.
J’ai pour seul domicile
Un triste et sombre asile,
Pour unique compagne
Une blanche camisole ;
Partout elle m’accompagne,
M’étouffe, c’est une folle.
Des voix me susurrent des choses indicibles ;
Me crèvent le cerveau de souffrances terribles ;
Des éclairs m’aveuglent, les couleurs vives m’agressent ;
Des épines me piquent, des piques me traversent.
Une flamme rouge
A l’intérieur me brûle ;
Et ce mur qui bouge
Je suis un somnambule ;
Puis ce torrent de sang
Qui coule et se répand.
Des ombres bleues me saisissent,
S’emparent de moi, me maudissent,
Me jette dans une cage ;
Là, un miroir, une image.
Contre le mur, mon crâne, sonne, sonne,
Comme un gong d’or, longuement il résonne.
Des fantômes laiteux,
Tel un monstre, me regardent ;
Ils crachent, sont haineux,
Dans l’ombre ils ricanent.
Je crie, il n’y a pas d’échos ;
Personne ne connaît de mots
Pour répondre à ma folie.
Un jour, dans une autre vie,
Ils me jetteront des fleurs
Et ils sècheront mes pleurs.
Mais aujourd’hui, dans une aube naissante,
Devant, une société bien pensante,
D’une injection létale
Indolore et fatale,
Je vais lentement mourir
Rendre mon dernier soupir.
Plus vite la mort !
Fait donc un effort !
Il me reste encor un espoir ;
Je trouverai, peut-être tout à l’heure
Sous ton long manteau noir,
Enfin, le doux chemin du bonheur.