Je suis cette effrayante route pavée d’ombres Dans laquelle vous vous enliserez un jour Érigée à travers les immortels séjours Loin des sombres vapeurs d’une terre en décombres
Je m’étends au-delà de ce qui est palpable Mais pour certains hommes, je ne suis qu’une fable Or, chacun de vous bientôt foulera ma voie Vous marcherez sans vie au plus profond de moi
Ainsi, vos souvenirs comme vos connaissances Convoyant votre art, vos rêves et émotions Tous de pairs s’évaderont de votre notion Pour ressaisir ces défunts : sens et innocence
Ce que vous connaissiez jadis ne sera plus Votre vie mortelle s’éteindra, révolue Ainsi que les limbes avant votre naissance, Au creux du gouffre de l’originelle essence
Le fleuve de votre art, o si fougueux d’antan Cessera de bruire puis deviendra étang Les toiles effacées, les hymnes assourdis Les mots, images, masses sculptés tous maudits
L’empire onirique conçu par votre esprit Se liquéfiera dans l’âme des incompris Puis, sans saveur, pareil à un ciel sans noirceur, Leur haine soutiendra mon regard agresseur
Vos corps s’étendront dans le caveau des plaisirs Où peu d’êtres vivants pourront bien vous saisir Sans fardeau, sans peine, ni douleur, ni regret Dans la glèbe fraîche, la nuit pour seul engrais
Or, sachez lecteurs que dès votre dernier acte Avant même que votre vie ne se rétracte Je vous détrousserai de vos cœurs éternels C’est pourquoi chanciront sans fin vos corps charnels