Dans la nuit va le vieux bûcheron à la hache Transportant sur son dos le bien pesant fardeau Misérable fagot, résultat de sa tâche, Soufflant de sa peine sous les sombres rameaux.
La forêt raisonne des chants du vent d’automne Et sa silhouette détachée du brouillard Saisie par la crainte d’un orage qui tonne S’arrête, soupire, puis d’un élan repart.
Les arbres nus ont une apparence difforme, La lune se cache sous un long manteau gris, Quelques nains dissimulés derrière les ormes Rient du bûcheron qui chemine dans la nuit.
Et c’est à l’heure où le vent nocturne s’engouffre Entre les vieux rochers et les branches des pins Entonnant la complainte des âmes qui souffrent Léger hurlement provenant de chœurs anciens ;
A l’heure où la lune daigne frôler la terre De ses rayons d’argent, étoilant de ses doigts Les troncs semblables aux piliers des monastères, Les antiques menhirs dressés comme des rois ;
C’est à cette heure étrange qu’il voit apparaître Une dame chantant d’émouvants lieds d’amour Dont les paroles dénoncent quelque serment traitre, Malheureux comme les chantaient les troubadours.
Elle est à la croisée de deux routes qui mènent L’une au paisible hameau de notre bûcheron L’autre aux ruines d’un château d’époque lointaine Tourmentées par le vent, les siècles d’abandon.
Le visage affligé, elle se tait quand passe Le pauvre bûcheron qui se fait plus hâtif Et lentement s’estompe sans laisser de trace Sous les rumeurs du vent langoureux et plaintif.