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Philippe EBERHARD

Pigeonnant

Une belle voulant être encore plus belle
Feuilletait tous ses magazines préférés.
Un « hasard » publicitaire délibéré
L’engagea à choisir presque de son plein gré
Un soutien-gorge galbant des seins altérés.
« C’est exactement ce qu’il me faut » se dit-elle.
« Les mecs ne me regarderont plus dans les yeux
« Mais mes copines crèveront de jalousie !»
Son enthousiasme proche de la frénésie
La mena à l’instant dans le décor soyeux
D'une coquette boutique de lingerie.
« Je peux l’essayer ? » dit-elle. « Je vous en prie ».
Dans une cabine, elle l’agrafa lestement
Procédant à de subtils ajustements,
Dans toutes les postures,
Pour tester l’armature,
Le maintien,
Le soutien.
« Les bretelles
« Me scient-elles ?
« Pas de laids
« Bourrelets ? »
Elle rehaussa ses seins des mains.
Divins, ils passèrent l’examen.
« Où sont les photographes ?
« Je suis mieux que cet échalas siliconé
« Avec ses deux sphères sur son corps décharné !
« Quelle horrible girafe ! »
En proie au ravissement,
Elle paya rapidement
Et tout euphorique
Quitta la boutique,
Fixant son attention
Sur son acquisition.

On vint prendre des photos de la malheureuse
Qui n’en vit pas les flashs
A la suite d’un crash
Entre elle, son achat et une dépanneuse.
Car comme elle sortait du magasin
Le conducteur du véhicule
Sans l’ombre du moindre scrupule
Et contorsionné comme pas un
Bandait du nerf optique
Sous la pub mirifique
D’un soutien-gorge galbant des seins altérés.
N’est-il pas consternant qu’on ait pu tolérer
L’affichage en grand de tels tétons
Si près d’un passage pour piétons !