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Philippe GUYONNET

Ombres.

Un vent fou et fiévreux sous un soleil de fer
En bouffées de chaleur remontait de l’Enfer
Arrachant sans effort aux arbres enfeuillés
Le tapis éphémère étalé à leurs pieds.

L’ombre rampante et noire se détachait du sol
Puis s’arrachant des troncs, ultime liberté
En écharpe de cendre dans le vent déchainé
Feu-follait sans boussole dans le souffle d’Éole.

Dépouillée de ses draps la terre mise à nu
Inondée de lumière et privée de sa mue
Implorait à ses arbres pour retourner le sort
De rappeler les fuyantes, évadées du décor.

Qu’elles retournent à leurs places et se couchent à nouveau,
Sur le lit d’herbe grasse entourant le bouleau,
Le chêne ou le pommier, au pied du saule en pleurs
Transformant son chagrin en larmes de fraîcheur.

Il s’en fallu de peu qu’égarées dans les cieux
Les belles ténébreuses enivrées de ciel bleu
Ignorant le danger ne prennent goût au vent
Et se laissent emporter au jeu du mouvement.

Dans l’errance du temps, en lambeau d’illusion
Elles volaient, elles voulaient, s’élever, s’envoler,
Au dessus, au dessous, en dansant s’élancer
Comme on flambe sa vie dans le feu de l’action.

Mais l’ardeur du vent atteignit ses limites,
S’essouffla de lui-même laissant place à l’azur
Et les ombres lâchées rejoignirent le granit
Alourdies par l’échec de leur folle aventure.

En rampant sans fierté vers leurs troncs respectifs
Charbonnant leur retour de traces éphémères
Les fuyardes vaincues regagnèrent l’orme et l’if
Comme les vagues au reflux se rejettent à la mer.

Obéir au soleil, à la lune parfois
Attachée à un arbre gisant à son pied
L’ombre meurt chaque soir par la nuit effacée
Pour renaitre au matin, chaque fois, chaque fois.