Au bord d’un doux rivage, empreint de solitude Je laisse vagabonder mon âme endolorie Assis, contemplatif devant tant de quiétude, Je confie les tourments de ma mémoire meurtrie .
Coulez torrents, chantez, vous me ravissez l’âme Ecoutez ma prière, car là bas une femme Doux objet de mon cœur a fait mon désespoir En désertant mon lit, en refusant d’y croire.
Souffle et chante le vent au fond de ma mémoire Mes pensées resurgissent comme un très vieux grimoire Le roseau plie et se tord aux assauts du vent Il gémira ainsi jusqu’au soleil levant.
Ma peine est dure, et si cruel est son accent J’ai des visions terribles et des rêves incessants S’étire le fil de l’eau, et mouille le rivage Comme un vieux matelot qui monte à l’abordage .
Sur la berge sablonneuse où ma hantise est grande Je vois monter en moi d’étranges sarabandes Et comme les oiseaux caquetant sur les branches S’adonnent à leurs jeux, j’essuie cette avalanche
Chardonnerets, moineaux, ou bien, merles chanteurs Il en vient de partout, et leur cris enchanteurs Apaisent ma douleur, et tarissent mes larmes Ils suppléent à ma peine et sans honte me désarment
Alors que je voudrais retenir mes souffrances Et puis penser encor, j’entends leurs chants immenses Des bribes musicales sur les arbres qui voltigent Ce sont les derniers signes d’un ultime vertige
Déjà mon amertume est moins grande vraiment Et la peine profonde, la peine de l’amant Décroît dedans mon cœur polie comme un galet Déjà je n’ai plus d’yeux que pour ce seul ballet.
Sur la berge sablonneuse où s’estompe ma peine Mes pensées vagabondent par delà cette chaîne Où s’amarrait mon âme ; par delà cet amour Qui brisa mes défenses jusqu’à me rendre sourd.
Le jour crépusculaire étale rougeoyant La gamme chaleureuse de sa vaste palette Le rivière devient pourpre, les arbres chatoyant Lèchent l’onde rubis soudainement distraite
J’ai retenu mes larmes ; merci dame nature Généreuse confidente, méritoire sépulture De nos chagrins d’amour, de nos pires défaites Merci pour vos réponses, cette harmonie parfaite Qui s’insinue partout et jusque dans mon cœur Cette force tranquille qui témoigne du bonheur D’exister simplement, de respirer la vie D’afficher quelquefois un visage ravi Par delà les blessures qui jalonnent l’existence.