À peine est-ce le jour qu’une ombre me complète et que j’appelle en vain mon amant de jadis. J’avais entre ses doigts une autre silhouette et nous jouions sans crainte à nous rendre métis.
Sans doute que ma chair est devenue étanche et qu’un fleuve profond est celui que je veux. Une vague affamée attend que je me penche et qu’un sillage naisse au bout de mes cheveux.
À peine est-ce la nuit qu’un nœud me rend muette et que je ne sens plus ni bague ni haillons. À peine suis-je au bord que la Meuse s’arrête, écarlate et glacée, au fond de mes poumons.
Voici plus de mille ans qu’on m’appelle Ophélie et que je flotte encore, en regardant les cieux. Plus de mille ans déjà qu’un jeune homme m’oublie et que je porte en douce un enfant de nous deux.