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Pierre HESBERT

SI L’ON INVERSAIT LES ROLES 21 10 01

J’attends tranquillement mon sort.
Affalé sur un banc de chêne,
Mon regard s’évade dehors.
Dans la salle il y a de la gêne.
Ici et là des types assis.
Certains n’auraient pas dû être pris.
J’assume vraiment ce que j’ai fait.
J’observe des prévenus tout près,
Aux menottes entre deux gendarmes
Rares sont ceux qui versent une larme.
Les aiguilles ont déjà deux tours.
Je ne séjournerai pas deux jours.
Le Procureur pour l’atmosphère,
D’un coup d’gueule soulève la poussière.
J’entends confusément mon nom,
A pas lents, me lève et réponds.
Attentif j’écoute le reproche.
J’enfouis une main dans ma poche,
J’ouvre la première page du roman,
Et poursuis à mots lents.
J’en suis arrivé à la page dix.
Le Proc’ hurle comme un malappris.
J’abandonne mes personnages,
Demande de noter ma page.
J’appelle deux à trois gendarmes.
Le tribunal s’asseoit en larmes.
J’interroge ses membres à mon tour,
M’excusant de n’être point Cour.
Ils me disent leur boulot de con.
« Jugeons et appliquons la leçon ! »
J’aurais pu leur coller encore
Vingt ans forcés pour les enclore.
Ma mansuétude les condamne
A livrer du foin à mon âne !