Suzanne et le vieillard
( contre-pied du Livre de Daniel)
Prenez un bon vieillard
Qui roupillait dans son coin
Et allait son chemin
D’un pas bien trop peinard.
Faites quérir une blonde fée,
Beauté assez malintentionnée,
Issue des brumes orientales
Pour le faire tourner en sentimental
Le barbon, soudain !, se prend
Pour l’étalon gourmand
Qu’il n’est plus, n’ayant de cesse
Que d’exhiber sa princesse
Amis, relations et enfants
En plaisantent doucettement.
Le vieux birbe perd sa rigueur
Dans l’illusion du faux bonheur
La séductrice saute autour du daron,
L’ensorcelle et l’hypnotise.
Il n’ a plus vraiment toute sa raison.
Peu à peu il sombre dans sa bêtise.
Le vieil homme devient aveugle.
Lui qui, avant elle, vivait de quasi rien,
Avec une immense rectitude,
Lui abandonne plus que ses biens.
La fée ne lui danse plus sa gigue,
Elle le fait languir avec sa lettre de chaque jour
Où elle ne parle plus qu’une langue,
La double langue fourchue de l’amour.
Il a l’espoir inavoué et souffrant
D’avoir d’elle un nouvel épigramme
Qui dira combien elle l’aime,
Combien elle se soucie de son argent.
Son amour à lui est exigeant,
Il geint, se plaint, il est loin,
Il réclame tous ses soins,
Contraire du donnant-donnant.
Il se prend, le vieil homme,
Pour un nouveau jeune homme,
Pourquoi pas ?, pour l’abbé Pierre,
Et crache ses sous de sa soupière.
La fée ne viendra plus
La fée ne viendra pas.
La marionnettiste oublie
Celui qui souffre sur un lit.
Le vieillard qu’elle a fait jouer,
A joui de cette pantalonnade.
Il ignorait que, de par le vaste monde,
Elle agitait aussi d’autres poupées
Tu n’as même plus dans ton cafard,
De larmes pour pleurer, triste vieillard,
Pris dans les rets de l’illusion
D’une walkyrie bourrée d’ambitions !
Mélusine lui écrit souvent, maintenant :
« Je ne peux plus venir t’aimer comme avant ! »
Elle a toujours besoin de plus en plus d’or
Revendiqué à corps et à cris, encor et encor.
La foule de ses petits vieillards peut le crachouiller.
Ils te le cracheront tous, Suzanne, leur pauvre argent.