J'ai mis dans ma valise un peu de mon enfance Un reste d'amertume au gré de mes errances Un vague souvenir des gestes du passé Comme un bois mort sur l'océan des trépassés. J'ai pris le train à la gare désaffectée Sans savoir le temps du voyage-éternité. J'ai laissé sur le quai l'ombre de ma jeunesse Un cri, un geste, un adieu, une vie qui cesse. La voix me dit souvent: - ne te retourne pas. Ta raison de vivre est ici et non là-bas. J'ai mis dans ma valise un peu de mes souffrances Un spleen, un vague à l'âme, un reste de méfiance. Le trajet marque le but de mon existence Horizon souillé, défait, en quête de sens. J'ai pris le train en marche, en course, en désespoir Pour connaître le monde avant l'orée du soir. La voix me dit toujours: - va, ne t'arrête pas. Regarde la vie comme un film au cinéma. J'ai mis dans ma valise un peu de ma sagesse Quelques erreurs pardonnées, des feux de détresse. J'ai laissé sur le quai des amours déchirées Des gestes, des regards, des mots doux murmurés. J'ai pris le train pour oublier le temps qui passe. La fatigue du trajet laissera des traces Mais j'ai mis dans ma valise beaucoup d'espoir Quelques écrits, des mots, un zeste de savoir. Je sais bien que demain ne sera plus hier. Le monde est en sursis, le monde est à l'envers. La voix me dit enfin: - va et suis ton chemin. Tu vaincras l'Ordre et terrassera le Malin. Ma valise est posée en haut de l'escalier En attendant le jour du Jugement dernier. Le train s'en est allé en gare de triage. Je ne suis plus là. J'ai déjà tourné la page.