Les portes de la péniche s'entrouvrent sur la France, Que l'on dit terre d'accueil, mais aujourd'hui souffrance La mer glauque et grisâtre aux reflets de néant, Rive à peine visible aux brumes du levant, Semée de pièges mortels, t'atteindrai-je bientôt, Ou ne suis-je venu que pour mourir si tôt ?
Le barda sur le dos, marchant dans l'eau profonde, Sous la pluie de shrapnels, le déluge de fer, Fusil à bout de bras, j'avance alors que gronde L'assourdissant vacarme des canons de l'enfer, Tandis qu'autour de moi, c'est la moisson immonde De jeunes hommes gisants éventrés sur la mer.
Quand j'atteins le rivage, improbable miracle, D'énormes tétraèdres aux arêtes coupantes, En travers de ma route annoncent la débâcle : L'impossible avancée sous les balles traçantes Vers des dunes propices que chacune d'elles racle Faisant jaillir le sable en gerbes aveuglantes.
Les ordres sont formels : vaincre sans coup férir Et prendre ces bastions que défend le teuton ! Avancer sous le feu, oublier son martyr, La gloire est tout au bout et défie la raison. Allons, brave soldat, et si tu dois périr, Tu seras honoré par toute ta nation !
