C’est le vent au sang chaud et le dit des abeilles C’est le cri iroquois d’un autre continent C’est la mer déhalée qui ensable la plaine. C’est le bruit d’un rouet qui défile la laine, Le ronron de mon chat plus mystérieux encore Que roulement d’orages aux montagnes lointaines. C’est l’amour enfermé qui exhale sa peine.
C’est aussi la voix rauque du goéland rockeur Qui nargue sur les toits effrayant les colombes. C’est l’envol des flamands qui irise l’étang Sous un ciel bien trop bleu qu’un nuage dévore. C’est le chant des poissons que nous n’entendons pas Plein de couleurs de flammes et de raisins pressés.
C’est la larme qui perle à l’angle d’une feuille Et la fumée morose d’une pipe d’écume Qui ombre un front ridé par des éclats de brume. C’est le sommeil serein du serpent digérant Musaraigne imprudente avalée dans un champ. C’est l’espoir déconfit des fruits de la jeunesse. C’est la plume du sens enfermée dans les mots.
C’est l’amour beau parleur monté sur des échasses Poursuivant les belles à volants dans le parfum des robes. Et les sanglots des conques respirant sous la vase Alors que le brin d’herbe agite son plumet. C’est la mer au lointain qui bientôt dérobe Son horizon vermeil au vaisseau qui pourchasse L’impossible évasion toujours renouvelée Et l’aiguille enchantée se tourne vers le nord Quand un vol d’oies sauvages aimante sa roideur.
C’est la passion saoulée d’épices trop puissantes Qui ne distingue ni le sucre du sel ni le feu de la glace. C’est l’image empourprée de nos regrets enfouis, Les souvenirs enfuis ravivant leurs saveurs, Corymbe de sureau et gousse de vanille Que nous avons goûtées sur la bouche des filles Arôme de cannelle parfumant le vin noir.
Ô Poésie de bure ou de dentelle Tu ensemences le temps terre de notre vie. Un arbre y poussera enguirlandé de rêves, Ses feuilles sont images et ses fleurs les ramages De chimères et d’oiseaux invisibles aux humains. Ils pondent des œufs de mystères Que l’on confond parfois avec les glands des chênes Tombés sur les chemins.