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Rémy RAYE

Le feu

Sur des chenets rouillés, une drôle de bouche
Dévore sans merci les tripes d’une souche.
Elle est en appétit sitôt qu’une allumette
Trouve l’antre béant où l’attend sa luette.

Aux lèchements bleutés des gourmandes papilles,
L’écorce vermoulue de la bûche grésille.
Le bois craque, cédant sous les dents qui le croquent ;
Entre chaque bouchée, les branches s’entrechoquent,

Laissant, comme un dragon que l’enfer ensorcèle,
Postillonner en l’air des gerbes d’étincelles.
En râles crépitants dans la gorge de braise,
S’étranglent les tisons, rouges, dans la fournaise.

Et, des langues fourchues, la brûlante salive
Essuie l’émail saillant de lisses incisives,
Arc-boutées sous les mors des babines que gavent
Les flots érubescents d’incandescente bave.

La gueule et les naseaux qui flairent et reniflent
Éructent, en fumant, leur haleine qui siffle,
Blondissant et bouclant en de torses volutes,
Sur un front flamboyant quelques mèches hirsutes.

Broyant et mastiquant de leurs mauves tenailles,
Les mâchoires goulues grincent et font ripaille,
Tandis que, saturé, s’enflamme l’intestin
Dont les bouillants boyaux défèquent ce festin.

Les agapes se font, freinant leur frénésie,
Un murmure discret qu’éteint une aphasie.
Une plainte étouffée au creux du goitre geint
Tenant d’une nausée ou bien d’un ogre à jeun.

Comme un déchet mauvais, un gras cholestérol,
S’épanchent les fumées de fines fumerolles.
Le charbon consumé, tel un crâne crépu,
Témoigne, noir de gris, que la bouche est repue.

N’ayant plus de mordant, d’énergie à revendre,
Il ne subsiste alors qu’un petit tas de cendres.
Un dernier bâillement à tout jamais l’endort.
Mords et tu seras feu, brûle et tu seras mort !