C’est, à l’orée du kraal, la marche nuptiale ; Un couple de lions progresse, martial. Les cirrus incarnats font au ciel un portique Où l’astre d’or suspend ses fléaux erratiques. Les halos oscillants filtrent, ainsi drapée, La dentelle ajourée des arbustes épais. Dans un acacia, des chimpanzés, en cœur, Stridulent leurs échos en triolets moqueurs. Un vent d’hostilité rôde sur la savane ; Les deux fauves gourmés pénètrent ses arcanes.
Dans le miroir sans tain d’une psyché liquide, Se confie, à l’étang, l’antilope languide. Les ultimes faisceaux du spectre évanescent, Quand l’« ite » retentit fondent au soir naissant. Et le ballet s’anime où les bêtes vont boire, En clapotis rythmés, laper l’onde de moire. Les crapauds buffles crient leurs rauques harmonies ; Une aposiopèse éteint la symphonie. L’antilope pressent le frisson d’un péril ; Dans l’ombrage ont relui quatre chrysobéryls.
Les glaives ivoirins au venin séminal Happent leur venaison, scandent la bacchanale, Tranchent, comme un corail déchire une varangue, Les chairs endolories de l’animal exsangue. Ses sabots maculés des barbaries nocturnes Ont revêtu l’aspect de vermillons cothurnes. Le cœur à l’agonie emplit la canopée, Expirant mollement ses soupirs syncopés. L’aube dissout la nuit dans un jusant céleste ; Les lions sont partis sans demander leur reste.