Vaisseaux fantômes
Dans le flux de nos veines,
Un intrus l’on devine,
La pointe d’une épine,
Le courant de nos peines.
Une souffrance naine,
Ainsi qu’une canine,
Darde puis se dessine,
Hideuse et presqu’obscène.
Sourde, elle morigène ;
Déjà, je l’imagine
Qui s’affaire et s’affine
Nichée dans la saphène,
Déployant ses antennes.
Elle court et s’obstine,
Se fait la concubine
Des veinules ébène,
Méchante châtelaine,
Sournoise et pateline
Qui, dans cette courtine,
Nous emprisonne, hautaine.
Puisque l’on nous enchaîne,
On pleurniche, on crachine
De grosses avelines,
Comme des madeleines.
Dans le sang, inhumaine,
Elle va et chemine,
Casanière et chauvine,
Ainsi que le chevaine,
Et, loin d’être une aubaine
Pour notre hémoglobine,
Sa morsure androgyne
Est bientôt pathogène.
Là, sous la porcelaine
Falote, hâve, opaline,
Elle siffle en sourdine
Une élégie soudaine.
Résonne la sirène
Aux échos qui serinent
L’éternelle routine
Dont l’issue est certaine.
Nervures méthylène,
La douleur est maline,
Cinglante et nous lamine,
Amère, peu amène.
Un mal rongeant se traîne
Au fond de la poitrine,
Orage qui ravine
Le ténébreux aven.