Sur la pierre sculptée ornant une fontaine Ou un vieux chapiteau de cloître silencieux, On trouve quelquefois comme croquemitaine Un serpent incongru au dessein mystérieux.
Quelle était l'intention de l'artiste anonyme Qui a représenté ce reptile angoissant, Quel message subtil, peut-être illégitime A-t-il voulu laisser en substance au passant ?
Dans ses apparitions, l'animal totémique Invite pour sa quête en marge des autels A un enseignement secret, initiatique Qui n'est pas dispensé au commun des mortels.
Pour gober son dîner plus gros que lui, sa bouche A le fameux pouvoir de beaucoup s'étirer; A ce compte pourquoi faudrait-il trouver louche D'acquérir un savoir semblant démesuré ?
Dans ses us bien rodés, il a pour habitude D'abandonner parfois une trop vieille peau; On peut s'en inspirer pour avoir l'aptitude De chercher le chemin grisant du renouveau !
Au travers des maquis, discret, il se déplace Avec l'oeil aux aguets du traqueur chevronné; Comme lui, adoptons un moyen efficace Dans la vie pour aller sans trop fanfaronner !
Il est souvent montré comme instrument du Diable, L'ambassadeur sournois du Malin conspirant, Mais c'est une invention de prophète comptable Qui souhaite maintenir le fidèle ignorant.
Car le fruit défendu, ce n'est pas qu'une pomme, Mais une chair suave au parfum savoureux Et, de la connaissance, une attrayante somme Que les prédicateurs veulent garder pour eux.
Et puisque Eve a été la première à souscrire Au jeu de l'ophidien, séducteur patenté, Il nous faut la chérir, plutôt que la maudire Pour nous avoir ouvert une voie de clarté.