C’était un vieux pays de forêts et d’étangs Où passaient un canal et une voie ferrée, Un pays peuplé de solides exploitants Ayant la main calleuse et l’âme pondérée.
Le bourg vibrionnait de propos familiers, De cris de basse-cour, de cloches dans la brume, De norias de charrette et des coups réguliers Du maréchal ferrant martelant son enclume.
Dans l’école où ronflait un poêle tout l’hiver, - Dragon républicain combattant l’ignorance - Le maître diffusait, avec son univers De livres, de cahiers, de cartes, sa science.
La campagne donnait le goût immodéré Des chemins verdoyants sur lesquels, en voiture, A pied, à bicyclette, on pouvait s’égarer, Se griser de grand air et courir l’aventure.
Alors, les étudiants savaient imaginer, Caché dans les sapins, au bout d’une charmille, Un manoir isolé, gentiment suranné, Où vivait une douce et belle jeune fille.
Mais ce monde d’hier prit fin brutalement Lorsque l’homme inventa la guerre industrielle Où toute une jeunesse avec empressement Fut conduite vers la tuerie sacrificielle.
Les enfants d’aujourd’hui, s’ils n’ont pas ce destin, Doivent se coltiner l’ère technologique, La fourmilière qui va les broyer sans fin Et aucun ne paraît, de l’avant, nostalgique.