Capitaine !
D’avoir couru les mers, bravé tous les climats,
De boutres en cargos, rafiots de toutes sortes,
Qu’ils soient Karaboudjan, Sirius ou Ramona,
Sans même quelquefois, savoir ce qu’ils transportent,
Tu rêvais d’une vie de noble campagnard,
Sans plus de turpitude et sans autre principe
Que des soirées au coin du feu à Moulinsart
Avec un vieux whisky et une bonne pipe.
Mais il te faut souffrir ce zouave de Tryphon,
L’envahissant Lampion, madame Castafiore
(qui ne sait te héler sans écorcher ton nom)
Et des Dupond Dupont, le burlesque folklore.
Et le blanc-bec studieux avec son fox terrier
Qui renifle à cent pas la première entourloupe
Sait toujours t’entraîner, pataud aventurier,
Dans la moindre de ses équipées, vent en poupe.
Malchanceux, maladroit, impulsif et bougon,
Tu m’inspires pourtant une grande tendresse
Car tu es, de l’humain, un digne parangon,
Jovial et généreux, malgré quelques faiblesses :
Déjà, tu aimes trop la boisson des Highlands
Et bien que président des antialcooliques,
Il n’est pas rare hélas de te voir chancelant
Devant un verre d’eau, comme pris de panique.
Puis tu es colérique et tes fameux jurons,
S’ils n’ont rien de grossiers, heurtent pourtant l’oreille
Et leurs sons incongrus, devenus des fleurons,
Contre les malfaisants, par bordées, font merveille.
D’évoquer ta figure aimable et débridée
Me ramène à l’époque aujourd’hui bien lointaine
Où pour un bon carnet, j’avais une BD
Et où je découvrais tes frasques, Capitaine.
