Chemins d’eau
Sous les ponts d’autoroute et de chemins de fer
Que prennent à l’envi de rutilants bolides
Lancés furieusement dans un fracas d’enfer
Et les froides couleurs de leurs tôles rigides,
Se faufilent parfois, discrets et silencieux,
D’autres liens de passage allant de ville en ville
Et de fleuves en ports à leur rythme gracieux,
Oubliés aujourd’hui dans le trafic servile.
Ces chemins sinuants dans l’entrelacs des champs,
Ombragés bien souvent de platanes prospères
Et autrefois prisés des guildes de marchands,
Ce sont les vieux canaux hérités de nos pères.
On n’y voit plus beaucoup sur leurs ondes glisser
Des péniches aux flancs chargés de céréales,
De vin ou de charbon (d’un usage passé)
Mais ils sont toujours là pour des fugues florales.
On y peut dériver sur le fil de leurs eaux
Ou longer leur rivage à pied, à bicyclette,
Bercé par une brise et le chant des oiseaux
Pour, d’un peu de quiétude, aller faire l’emplette.
On y peut admirer des ouvrages divers
Qui jalonnent leur cours : des bassins, des écluses,
Des échelles, des biefs, pour passer les dévers,
Montrant des concepteurs les indéniables ruses.
Pour les alimenter, il a fallu drainer
Des sources, détourner leurs courses erratiques
Et les acheminer en un point haut donné,
Bref, de l’hydrographie, étudier les techniques.
Ces travaux de titans requirent le labeur,
Pour creuser, terrasser, maçonner et construire,
De légions d’ouvriers apportant leur sueur
et leurs muscles noueux, comme des durs à cuire.
Lorsque vous passerez près des flots réguliers
De l’un de ces canaux, l’une de ces rigoles,
Si la pensée vous vient de ces preux journaliers,
Ne les qualifiez pas de coquins ou de drôles.
