On peut me dire et répéter Avec beaucoup de fermeté Que le corbeau a bien des tares, Sans me voir comme un érudit, Je ne prêterai pas crédit A ces médisances barbares :
Ce cher La Fontaine déjà S'est comporté comme un goujat En nous le présentant crédule Mais il est plus malin qu'on croit, Réfléchi, joueur et adroit, Bref, aucunement ridicule !
Son nom est pour bien des auteurs Synonyme de délateur Chargé d'une haleine fétide Mais s'il est, de plumes, couvert, Les siennes n'ont pas le travers D'être trempées dans de l'acide.
Sous le prétexte qu'il est noir, De piètres esprits le font voir Comme oiseau de mauvais augure Mais d'autres jugent que c'est beau Un reflet aile de corbeau Pour l'éclat d'une chevelure.
Il est aussi méprisé car Il a des moeurs de charognard Mais qu'à ces rustres je réponde : Crachez votre venin ailleurs, Il faut bien que des fossoyeurs Fassent le ménage en ce monde,
Et sachez qu'il se gave aussi D'insectes qui causent souci Aux récoltes de vos domaines Et participe activement, L'air de rien, au reboisement En dispersant partout des graines.
Mais le pire de ses défauts Aux yeux des chasseurs d'animaux Est que sa chair est peu goûteuse, Il faut être au bout de sa faim Pour vouloir le piéger afin De le mettre dans sa sauteuse.
Il peut bénéficier ainsi D'un inestimable sursis Dans ses rapports avec les hommes, Lesquels, des ressources d'autrui Et de chaque terrestre fruit, Ne sont pas beaucoup économes.
Sans offenser son intérêt, il faut reconnaître il est vrai Que sa voix n'a pas trop de grâce Mais foin d'en faire un ennemi, Sur l'arche, au prochain tsunami, On peut lui garder une place.