Elle s’est éveillée dans un nouveau lit, seule, En entendant monter du fond de la maison Le roulement obscur et pesant de la meule Qui broie avec lenteur le grain de la moisson.
Puis elle est descendue, tenant la main courante, Le long de l’escalier grinçant et chantourné, Attirée par la salle où la voix pénétrante De la machinerie est emmagasinée.
Dans cet antre, l’odeur de la farine chaude Emoustille ses sens d’un intérêt gourmand Car c’est ici que bruit la pierre qui taraude Et d’où s’écoule en pluie la pulpe du froment.
Son homme, attentionné, surveille la mouture ; Avec son béret noir et son tricot de peau Qui fait l’apologie de sa musculature, Poudré de blanc qu’il est, elle le trouve beau.
Il est jeune, charmeur, plein d’une force vive, Fait pour manipuler les sacs gonflés de blé, Sa personnalité, sa tendresse attentive, Son corps et ses deux mains ont de quoi la combler.
Elle va jusqu’à lui et dans ses bras, se niche, Respirant son odeur dont elle se nourrit, Lui caresse la joue et, mutine, s’entiche D’embrasser sans délai sa bouche qui sourit.
Elle se sent un peu auréolée de gloire D’être ainsi invitée au banquet de l’amour, C’est sa conquête, c’est sa fierté, sa victoire, C’est l’œuvre de sa vie, le règne de ses jours.