Du siphon abyssal remonte la rivière Avant de s'écouler dans un étroit vallon, Bordée de grands feuillus, paisible et nourricière, Filant le ruban vert de son premier jalon.
C'est la miraculeuse et puissante fontaine Qui surgit d'un réseau profond et mystérieux Et baigne de ses eaux, bonne samaritaine, Le pays Venaissin, prospère sous les cieux.
Au creux du corridor, près de la résurgence, Est blotti un village aussi vieux que moussu Dans le recueillement et sous la vigilance D'un château médiéval accroché au-dessus.
Au quatorzième siècle, un illustre poète Est venu s'y soustraire aux intrigues de cour Que la cité papale arrogante et surfaite Avait l'art de produire alors plus qu'à son tour.
Dans une humble maison, toute emplie de ses livres, Il vécut des années passées à engranger Le raisin de sa vigne et les généreux vivres, Qu'entouré de bons soins, donnait le potager.
Et là, journellement visité par sa muse Qui goûtait le séjour de cet abri discret, Il rédigea une oeuvre innovante et profuse, Porté par l'attention qu'elle lui consacrait.
C'est ainsi qu'il chanta la beauté d'une dame Et sa vertu fameuse inspirant le désir Et que le nom d'icelle a surmonté le drame De l'oubli pour venir jusqu'à nous resplendir.
Visitant aujourd'hui le rocher et la pierre Qui ont naguère vu le poète passer, J'écoute murmurer à mes pieds la rivière Et au-dessus de moi le feuillage bruisser.